Je n’avais pas prévu un seul instant partir en immersion dans l’histoire du village et plonger ainsi sous les eaux de Sainte Croix. Mais un bain dans les souvenirs de cette vallée me tente.
L’école de la mémoire
Je ne m’attendais pas à trouver un musée dans une école. Jadis lieu d’apprentissage, l’école est aujourd’hui lieu de mémoire où les salles de classes rénovées accueillent le musée retraçant l’histoire de la vallée.
C’est ingénieux pour transmettre le souvenir de la vallée avant l’apparition du barrage et du lac. Car en fait, l’eau masque le fait qu’il y avait une vie différente autrefois.
Je n’avais pas prévu un seul instant partir en immersion dans l’histoire du village et plonger ainsi sous les eaux de Sainte Croix. Mais un bain dans les souvenirs de cette vallée me tente. J’entre dans cette école.
Dans le bains des souvenirs
L’exposition de photos anciennes me transporte véritablement dans un autre temps, et même, un autre lieu que je ne reconnais pas au premier abord : l’époque où Sainte-Croix était un village différent, connecté à la plaine agricole aujourd’hui disparue.
Je déambule au milieu d’outillages agricoles, qui me font comprendre de quoi la vie était faite au village, bien loin du tourisme de maintenant, au cœur d’une immense vallée fertile traversée par le Verdon.
J’imagine les paysans descendant sous le village pour aller travailler dans les champs et qui font une pause à la fontaine pour se rafraîchir. Je découvre des champs à perte de vue, avec du blé, des patates, du fourrage pour les animaux, des potagers pour le quotidien. Je vois les enfants jouer près de la rivière et interpeller les voyageurs qui traversaient la vallée pour rejoindre la Provence.
Ces photographies m’interpellent, car elles dévoilent un monde inconnu, effacé, un paysage au relief aplati par les eaux.
Le Musée Mémoire de la Vallée
Immersion en eaux troubles
Un changement de cap radical
Lorsque la décision de construire le barrage est prise, c’est toute la vie de la vallée qui bascule dans l’inconnu.
Les paysans doivent alors, renoncer à leurs champs alors que les piliers des futurs ponts se dressent à la place des céréales, afin de créer une nouvelle route. Il faut se préparer à être déposséder de cette plaine, ce grenier qui nous fait vivre depuis des siècles.
Après 55 000 m3 de béton coulé, arrive le jour où le barrage est mis en eau.
Les paysans doivent se soumettre à perdre leurs granges, les fontaines, les ponts, et surtout, cette terre si fertile qui les faisait vivre depuis toujours.
Les souvenirs, aussi, doivent être abandonnés, ces siècles de dur labeur dans les champs, la joie des bonnes récoltes, les premiers baisers sous le chêne…
C’est toute la vie de ces personnes qui se noie avec la montée des eaux. Les yeux se lèvent, il ne leur reste plus qu’à développer de nouvelles cultures, en s’installant sur le plateau de Valensole.
Une révolution aux couleurs turquoises
Au début des années 70, les habitants de Sainte-Croix perdent leur terre pour que les agriculteurs plus au Sud puissent irriguer leurs champs. Ils perdent leur terre aussi pour que les habitants d’Aix-en-Provence et de Marseille aient de l’eau à boire et pour répondre au besoin en électricité d’une population et d’une industrie toujours plus grandes.
Comment se relever ? Alors que le grenier est vide et que la terre promise ne donne plus rien à manger !
Les hommes doivent alors, se réinventer et reconstruire leur vie, dans une vallée qui se pare d’un bleu turquoise. Une nouvelle richesse ?
Comment créer une nouvelle vie alors que les enfants sont attirés par les villes du Sud ?
Comment, pour ces hommes de la terre, il est possible de se tourner vers l’eau, alors que beaucoup d’entre eux ne savent pas nager.
Et les paysans devinrent marins …
La métamorphose de Sainte Croix du Verdon
Il faudra quelques années pour voir apparaitre de nouvelles perspectives pour les survivants de Sainte-Croix, et il faudra quelques années pour qu’une nouvelle économie voit le jour, grâce aux eaux cristalline de cet immense lac.
La création d’une première base nautique, marquera le début de la métamorphose du village et les paysans commencèrent à proposer des chambres à louer et leur femme les repas.
L’économie se tourne alors vers le tourisme et Sainte-Croix-du-Verdon se transforme en village balnéaire et devient une destination touristique sous la marque Intense Verdon.
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